Trajet retour au travail: de quoi parle-t-on?

Benjamin Bels et Thierry Monin, chargés de projets à la LUSS

« Jobs, jobs, jobs », scandait un certain Charles Michel en 2017. « 80% de taux d’emploi pour 2030 », lui répondit la Vivaldi. Parmi les solutions envisagées pour atteindre cet objectif qui transcende les coalitions : remettre au travail (« réintégrer ») les personnes écartées pour cause de maladie de longue durée ou d’invalidité. Elles sont actuellement, en Belgique, plus nombreuses que les personnes au chômage.
C’est le « trajet retour au travail », porté par le ministre fédéral de la santé publique et des affaires sociales, Frank Vandenbroucke.

La LUSS a évidemment suivi et participé activement aux discussions et aux débats, en raison des enjeux pour les travailleurs… qui sont également des patients, dans ce cas de figure. Mais qu’entend-on exactement par « trajet retour au travail » ? Quelles sont les implications concrètes pour les personnes en incapacité de travail, ou en invalidité ?

En quoi consiste ce dispositif ?

Le « trajet retour au travail » est une procédure visant à réintégrer sur le marché du travail une personne en incapacité ou en invalidité. Il s’agit d’une «version 2.0 »
du dispositif introduit en 2016 tant pour les travailleurs sans emploi que pour les travailleurs en incapacité de travail et toujours liés par un contrat de travail.

En 2023, le « trajet retour au travail » vise toujours le même objectif : remettre la personne au travail. Sa mise en œuvre implique une série d’acteurs et de partenaires autours du travailleur : le médecin traitant, le médecin conseil qui collabore avec les « coordinateurs de retour au travail » (fonction nouvellement créée).

Le dispositif prévoit aussi, dans certaines situations, la possibilité d’une sanction vis-à-vis du travailleur qui ne collaborerait pas suffisamment, via une réduction des indemnités (2,5%).

Questionnaire « quickscan »

La mise en place d’un questionnaire « quickscan » (évaluation rapide), qu’est-ce que cela change pour le patient ? Il s’agit d’une enquête, envoyée dix semaines après le début de l’incapacité, et qui vise à identifier les malades qui seraient susceptibles de revenir sur le marché du travail.

Ce qu’il est important de noter ici, c’est que le patient dispose d’un délai de deux semaines pour répondre au questionnaire, au risque d’être sanctionné !
En effet, la législation prévoit une diminution de 2,5% des indemnités en cas d’absence de réponse aux différentes sollicitations concernant le trajet, notamment le questionnaire.

Les coordinateurs de retour au travail

L’autre innovation apportée au trajet est la création des « coordinateurs de retour au travail ».
Ces coordinateurs, mis en place progressivement depuis 2022, opèrent dans les mutualités et se positionnent comme gestionnaires de dossier collaborant avec le médecin conseil ou d’autres acteurs pertinents (FOREM, AVIQ, services sociaux…) pour organiser le trajet. Le coordinateur devient donc le premier interlocuteur des personnes en incapacité de travail de longue durée qui entament
le trajet retour au travail.

Ce que défend la LUSS

Dans la mesure où ce dispositif concerne directement les personnes en incapacité de travail de longue durée, il est légitime que la LUSS se positionne sur ces nouvelles mesures. Ce dont elle ne s’est pas privée.

Rappelons, tout d’abord, qu’une enquête menée auprès des membres de la fédération a montré que trois patients sur cinq en incapacité de travail désirent exercer à nouveau une activité professionnelle.
Autrement dit, les patients veulent (re)travailler et ne sont certainement pas en situation d’incapacité de travail de gaieté de cœur ! La LUSS est fermement opposée à toute forme de sanctions basées sur une diminution des indemnités.

Considérer le projet professionnel et les besoins du patient

Ensuite, pour les patients qui souhaitent retourner dans le monde du travail, la LUSS estime que la procédure de réintégration professionnelle doit reposer sur une série de mesures de soutien au patient. Parmi celles-ci, il est nécessaire que le médecin conseil prenne en considération la situation du patient dans sa globalité et sa complexité.
Le médecin conseil n’est pas seul : il peut collaborer avec d’autres acteurs de terrain, notamment le coordinateur de retour au travail, solliciter un avis d’une équipe multidisciplinaire

D’autres opérateurs (FOREM, ACTIRIS, AVIQ, LE PHARE) sont susceptibles d’assurer un accompagnement du travailleur lorsqu’une réorientation est nécessaire.

Revenir oui, mais dans de bonnes conditions

Au-delà du trajet retour au travail, il est également nécessaire de revoir la manière dont on conçoit l’implication des patients et de leurs proches dans le monde du travail. Dès lors, la LUSS plaide également pour que les autorités compétentes favorisent le recours par les employeurs aux possibilités d’adaptation des conditions et du poste de travail au sein de l’entreprise (aménagements raisonnables).

Par ailleurs, la prévention en matière de sécurité sur le lieu de travail doit être renforcée.

Le statut des aidants proches doit être amélioré pour permettre au patient d’avoir un soutien de ses proches.

La collaboration entre le niveau fédéral et les régions dans la mise en œuvre de cette politique est cruciale et contribuera probablement à la mise en place de trajets menant à une réintégration réelle et durable.