Santé et précarité, comment sortir du cercle délétère ?

Sophie Lanoy - Directrice politique à la LUSS

Précarité et santé sont intimement liées.
La précarité a un effet préjudiciable sur la santé et les problèmes santé peuvent mener à la précarité.

Vivre avec une maladie chronique, être porteur d’un handicap, traverser un problème de santé grave, bouleverse la vie des personnes à tous les niveaux. L’impact est d’autant plus important sur le quotidien lorsque la personne touchée se trouve dans une situation de vulnérabilité financière, sociale ou intellectuelle.
La maladie et le taux de mortalité sont augmentés par la précarité pour différentes raisons, dont notamment, des conditions de vie plus éprouvantes, un accès aux soins et à la prévention plus difficile, des dépistages et diagnostics plus tardifs.
L’arrivée de la maladie ou du handicap impacte tous les domaines de l’existence des personnes et se renforcent mutuellement dans une spirale pernicieuse.

Impact direct

L’impact de la maladie sur l’état général de la personne est d’abord direct ; les traitements, la douleur, la fatigue, ont une incidence forte sur le quotidien.
La santé mentale est aussi fortement impactée. Le choc du diagnostic, la peur du futur, le deuil de sa vie d’avant et parfois une vie en sursis mènent alors à la dépression.
La maladie, la situation de handicap ont des répercussions sur la perception de soi, des autres. La personne peut ressentir une stigmatisation, vivre la discrimination, le jugement.
Lors du diagnostic, la vie sociale et familiale est bouleversée, on assiste à un repli sur soi, un arrêt temporaire ou définitif de certaines activités. La structure en place est d’autant plus fortement impactée lorsque la perte d’autonomie est importante. Il peut mener à l’éclatement familial, au divorce.
Si la situation professionnelle est touchée, la personne peut se retrouver en période d’invalidité, d’incapacité de travail, de mi-temps médical, de chômage. Elle peut perdre non seulement son statut mais aussi ses revenus. L’aidant-proche pourra aussi être contraint à réduire son temps de travail.
L’impact financier est multifactoriel : d’un côté une perte de revenus, de l’autre, des frais supplémentaires : hospitalisation, traitements, médicaments, dispositifs médicaux, recours aux services, aux transports… La facture peut être très élevée et plonger les familles dans la précarité.

Cercle délétère

Ces différents impacts négatifs se renforcent mutuellement, et plus encore lorsque la personne est en situation de vulnérabilité dès le départ, qu’elle ne dispose pas des ressources financières suffisantes, ne dispose pas d’un réseau social.
La vulnérabilité est d’autant plus élevée que c’est justement parmi cette frange de la population que l’on constate des freins à l’accès à la bonne information, des difficultés face à la complexité administrative, des situations de fracture numérique, et in fine de non-recours aux droits.
Au-delà de l’accès à la santé, les personnes en situation de vulnérabilité n’ont pas accès au pouvoir d’agir, à l’empowerment.

Réduire les inégalités

Actuellement, toute une série de mécanismes visent à réduire l’accès inégal aux services et soins de santé, tels que le maximum à facturer, l’intervention majorée, l’application du tiers payant. De nombreux services sociaux jouent un rôle essentiel, notamment les CPAS, pour améliorer et soutenir les personnes plus vulnérables à accéder aux soins et aux services. Il reste cependant encore du chemin à parcourir.
La LUSS l’a réaffirmé dans son plan stratégique 2023-27, cela sous-tend le travail quotidien qui converge vers sa mission, qui consiste à « contribuer à la construction d’un système de santé de qualité et accessible à toutes et tous ».
Le mémorandum de la LUSS en vue des élections de 2024 vise aussi cet objectif, il aligne des recommandations essentielles et indispensables à prendre en compte pour développer les politiques de santé du futur.
Notre système de soins de santé, notre modèle est en transition, cette transition est nécessaire mais elle doit se réaliser dans une visée d’accès aux services et soins de qualité pour toutes et tous, avec une attention particulière aux plus vulnérables, pour les sortir de ce cercle délétère et permettre à toutes et tous l’accès à la santé et au pouvoir d’agir.
Pour aller plus loin dans cette thématique, le chaînon questionne différents aspects du lien entre la santé et la précarité. Tout d’abord mieux comprendre la précarité pour mieux la combattre. Quels sont les déterminants de la santé ?
Qu’en est-il du BIM ? Un focus sera proposé sur les droits à des soins de qualité « même » en prison, aux liens entre santé mentale et précarité, aidance et précarité et sur la situation vécue par les migrants.