Faites appel aux psychologues de première ligne

Par Morgane Steffen

Expert réforme des soins en santé mentale
Soins psychologiques dans la première ligne
SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement

 

Depuis plusieurs années, en Belgique, le Gouvernement fédéral mène des réformes dans les soins en santé mentale. Sur base des recommandations de l’OMS pour une organisation optimale des soins, les réformes visent à mettre l’accent sur la réhabilitation psychosociale et le rétablissement. Elles visent aussi à favoriser des soins intégrés, axés sur la communauté, tout en mettant au centre le citoyen avec ses besoins ainsi que son environnement.

Toutefois, ces dernières années, les réformes se sont principalement concentrées principalement sur la population présentant des problèmes de maladie mentale sévères, avec notamment la création d’une offre ambulatoire, comme les équipes mobiles de crise et de longue durée. Peu d’initiatives ont soutenu les soins primaires.

Pandémie et santé mentale

La pandémie de COVID-19 a rapidement fait apparaître des problèmes de santé mentale au sein d’une population qui n’était jusque là pas prédisposée à être considérée comme « à risque ». Le nombre de plaintes explose et les professionnels de la première ligne se retrouvent dépassés.
Face à ce constat, un protocole d’accord entre tous les Gouvernements (fédéral et régionaux) est approuvé en novembre 2020 pour renforcer l’offre de soins de santé mentale, en particulier pour les groupes-cibles vulnérables les plus touchés par la pandémie de COVID-19.
Une convention avec l’assurance obligatoire est née et permet un financement des soins psychologiques dans la première ligne. Cette convention est déployée sur le terrain via les réseaux de soins en santé mentale. Ceux-ci concluent des accords de convention avec des psychologues et orthopédagogues cliniciens et d’autres prestataires.

Il s’agit d’une étape supplémentaire dans la réforme des soins de santé mentale : la poursuite du développement des soins de santé mentale à proximité du milieu de vie du citoyen et en coopération avec les acteurs de la première ligne. Cette étape vient par ailleurs s’inscrire dans un intérêt de perspective de santé mentale publique. En effet, la détection, la prévention et l’intervention précoce permettent d’éviter l’évolution d’une plainte psychique courante, d’intensité légère à modérée, d’évoluer vers des troubles chroniques et complexes. Limitant ainsi la souffrance personnelle et les coûts sociaux.

Mais penser qu’un simple remboursement de séances chez un psychologue sera suffisant pour diminuer la prévalence des troubles est utopiste. Chercher de l’aide ne va pas de soi. Parmi les obstacles, on peut citer la peur de la stigmatisation, la méconnaissance de l’offre de soins, l’effort trop conséquent que cela représente pour la personne. Mais nous observons que souvent le frein le plus important est lié à la croyance ou la conviction de la personne qu’elle peut se débrouiller toute seule, qu’elle n’a pas besoin d’aide. Dans certains cas, selon les ressources personnelles ou contextuelles, cela est vrai. Mais pour d’autres malheureusement, les ressources sont inefficaces ou épuisées.

Le projet pilote des soins psychologiques dans la première ligne constitue un défi, une tentative de modifier la culture, de rapprocher les soignants des citoyens, d’intégrer la santé mentale dans tous les domaines, de soutenir les acteurs de la 1ère ligne confrontés à des problématiques de santé mentale, …

Au plus près des publics vulnérables

Les psychologues & orthopédagogues cliniciens conventionnés (« PPL ») sont encouragés à être mobiles, c’est-à-dire, à se rendre dans d’autres lieux de rencontre que leur cabinet, d’aller au plus près des publics vulnérables, dans des lieux que ceux-ci fréquentent déjà comme les écoles, les services sociaux, les centres médicaux, des lieux de loisirs. Cela est rendu possible par l’établissement de partenariat multidisciplinaire locaux, directement avec des acteurs de la première ligne (par exemple : pharmaciens, médecins, assistants sociaux, agents de quartier, enseignants, éducateurs, …).

Les psychologues et orthopédagogues cliniciens sont également encouragés à développer une offre d’intervention en groupe en plus des consultations individuelles. En effet, par le format de groupe, les citoyens peuvent renforcer leur compétences de résilience, d’autosoin, d’habiletés psychosociales (gestion du stress, affirmation de soi, régulation des émotions, …).

En d’autres termes, il s’agit de renforcer le pouvoir d’agir (empowerment), de maintenir un état de bien-être psychique, de favoriser un fonctionnement individuel optimal et de développer des interactions constructives. Par ailleurs, les participants rencontrent d’autres personnes confrontées aux mêmes difficultés (soutien par les pairs).

Sessions de groupe

Les sessions de groupes sont animées par un duo de prestataires, composé d’un psychologue/ orthopédagogue clinicien et d’un autre prestataire d’aide ou de soin. Il peut aussi s’agir d’un expert du vécu, c’est-à-dire une personne qui a été elle-même confrontée à sa propre maladie psychique (ou celle d’un proche) et qui a réussi à développer une expertise de vécu pour promouvoir le rétablissement pour soi-même et pour les autres .

Grace à l’intervention de l’assurance obligatoire, la population a ainsi accès à un certain nombre de séances avec un PPL avec une participation financière très limitée (2,5 € pour un séance de groupe, 4€ ou 11€ pour une séance individuelle). La première séance étant gratuite pour soutenir et faciliter la démarche.

Envie d'en savoir plus ?

Consultez la page web de l’INAMI : bit.ly/3YxsAKM

Quelle place pour les associations de patients et de proches ?

Les associations de patients et de proches peuvent intervenir à différents niveaux :

  • Soutenir la diffusion de cette offre de soins auprès de leurs membres.
  • Participer à la co-animation des sessions de groupes, en collaboration avec psychologue & orthopédagogue clinicien conventionné (moyennant une convention à signer avec un réseau de soins en santé mentale).
  • Participer à l’établissement de partenariats multidisciplinaires locaux.
  • Participer à l’analyse des besoins et des offres réalisée dans chaque réseau de soins en santé mentale.