Dispositifs médicaux: une nouvelle réglementation pour une meilleure protection des patients
Sabine Corachan, chargée de projets à la LUSS
On se souvient encore du scandale des prothèses mammaires PIP découvert par l’autorité compétente française Afssaps : la société PIP utilisait du gel de silicone de type industriel pour remplir ses prothèses, au lieu d’un gel médical beaucoup plus cher…
A partir de 2012, la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont discuté et élaboré un nouveau règlement sur les dispositifs médicaux.
Le « EU MDR », pour « European Union Medical Device Regulation », est le règlement qui est entré en fonction le 26 mai 2021.
Mais de quoi parle-t-on exactement ?
Le terme « dispositif médical » couvre des produits très différents, utilisés aussi bien à la maison que dans les hôpitaux.
Les dispositifs médicaux sont répartis en quatre classes de risque, du risque considéré comme
le plus faible au plus élevé.
Le risque dépend de différents facteurs : la durée de contact avec le corps, l’invasivité (degré d’entrée dans le corps), l’effet local ou sur tout le corps (systémique), la toxicité potentielle, la partie du corps impliquée, le besoin en source d’énergie (batterie…) ou non.
Quelques exemples en fonction de la classe de risque :
I : stéthoscopes, chaises roulantes, lunettes, béquilles, pansements, …
IIa : tubes de trachéotomie, appareils auditifs, lentilles de contact, plombage …
IIb : moniteurs de signes vitaux, pompes à perfusion, couveuse, préservatif certains implants (dentaires par exemple), …
III : prothèses de hanche, stents coronaires, pacemakers, implants mammaires , …
Nouveaux règlements sur les dispositifs médicaux
La sécurité des patients se traduit concrètement comme suit.
Information : la carte implant
Chaque patient qui a un dispositif implanté dans le corps recevra dorénavant systématiquement une carte « papier » qui comprendra des informations claires et accessibles.
Avec cette carte, le (ou la) patient(e) doit pouvoir trouver le nom commercial du produit, le fabricant,
le numéro de série, l’identifiant unique et la date limite d’utilisation le cas échéant.
La carte implant permet d’identifier clairement quel type de dispositif médical a été implanté.
Traçabilité et sécurité : obligation de notifier la pose et le retrait des produits implantés
Un Registre Central de Traçabilité (RCT) existe en Belgique depuis 2014, mais la notification de pose et de retrait du dispositif n’y était jusqu’ici pas obligatoire.
Les établissements de santé sont à présent obligés d’enregistrer tout produit qui a été implanté.
En cas d’incident, les patients concernés seront désormais avertis individuellement, et non plus par voie de presse …
Le RCT est accessible via la plateforme eHealth. Il est à noter que la carte implant du RCT diffère de la carte implant européenne, dans le sens où celle du RCT, électronique, permet une notification en cas d’incident, ce que la carte implant européenne, papier, ne permet pas.
Performance et sécurité : l’évaluation clinique
Pour les dispositifs de risque plus élevé (classe III) ainsi que pour tous les dispositifs implantés, la réglementation est plus exigeante.
Le fabricant doit démontrer via des études cliniques que le dispositif fonctionne comme il est défini/intentionné (performance), et que les bénéfices du dispositif sont supérieurs au risque encouru.
Un résumé de l’évaluation clinique doit être publié dans la base de données Eudamed (voir plus bas)
et doit être convivial et accessible pour le public.
Traçabilité et sécurité via un identifiant unique
Chaque dispositif aura son propre identifiant unique (IUD, ou UDI en anglais). Celui-ci doit être visible sur l’étiquette ou sur le dispositif.
Cela aidera à suivre toute la chaine de distribution des produits, à améliorer les activités de suivi de la sécurité une fois sur le marché, et à lutter contre la contrefaçon de produits.
Cet identifiant doit également être enregistré dans la base de données Eudamed (voir plus bas), dans le RCT belge, et sur la carte implant.
Sécurité : contrôle des organismes notifiés
Les organismes notifiés, qui doivent évaluer la conformité des dispositifs à moyen et haut risque, seront mieux contrôlés que dans le passé.
Il y aura également une meilleure coopération lors des inspections par l’autorité compétente, et des inspections non-planifiées pourront être effectuées.
Marquage européen
Tous les dispositifs doivent déjà suivre une procédure d’évaluation de la conformité pour recevoir le marquage « CE », obligatoire pour placer un produit sur le marché européen.
Pour les dispositifs à haut risque, un code chiffré accompagne le marquage CE, et identifie l’organisme notifié (O.N.) impliqué dans la procédure.
Pour la mise sur le marché des dispositifs à faible risque, le fabricant doit produire une déclaration de conformité, basée sur des documents techniques.
Sécurité : vigilance et surveillance post-marketing des produits
L’AFMPS opère une surveillance des dispositifs médicaux en cours d’utilisation : c’est la matériovigilance. Cela suppose que les incidents soient notifiés à l’Agence6 ! Les règles et la procédure de notification d’incident sont à présent plus claires, et toute notification sera introduite via la base de données européenne Eudamed (voir plus bas).
La responsabilisation des fabricants est également plus claire. Fabricants et autorités compétentes doivent mieux coopérer qu’auparavant.
Traçabilité : Eudamed, la base de données européenne
Cette base de données servira de source d’information pour (re)trouver les acteurs, les dispositifs, les certificats, les incidents, … au niveau européen. Les sections accessibles au public doivent être présentées sous un format convivial et lisible pour tous.
Eudamed permettra un échange d’information plus efficace entre autorités compétentes, la centralisation de toutes les informations, et une meilleure transparence, grâce à un portail public d’accès à (une partie de) la base de données.
Elle sera constituée de six modules qui seront mis en service graduellement ; il est prévu que Eudamed soit fonctionnel à 100% à la mi-2026.
Le public pourra ainsi consulter :
- des informations sur les organismes notifiés (O.N.) ;
- les évaluations cliniques (y compris les rapports de événements indésirables graves) ;
- des informations sur les activités du fabricant et de l’autorité compétente nationale pour le suivi des effets indésirables graves.
Sécurité et performance : comités d’experts et dispositifs à risque élevé
Une nouvelle structure consultative désignée par la Commission européenne a été mise en place pour les dispositifs à haut risque : les comités d’experts.
Ces comités évaluent les dossiers des dispositifs avant la mise sur le marché, tant pour l’évaluation clinique des O.N. que pour celle des fabricants.
Une personne chargée de veiller au respect de la réglementation
Le règlement prévoit que chaque fabricant et chaque mandataire devront nommer une personne responsable du respect de la règlementation.