Comprendre la pauvreté pour mieux la combattre

Nicolas Descamps - ATD Quart Monde

Qu’est-ce que la pauvreté ? Les idées reçues et les raccourcis sur cette question sont nombreux. Pourtant, une étude menée avec des personnes vivant dans la misère apporte des réponses essentielles.

Lorsqu’on évoque la pauvreté, bien souvent, nous avons l’image d’une personne sans le sou ayant des difficultés à boucler les fins de mois. Bref, nous avons cette tendance à résumer la pauvreté à son aspect monétaire. Il existe d’ailleurs beaucoup d’analyses et de rapports qui ont l’ambition de dresser un portrait (objectif) de la situation à coups de statistiques et de données chiffrées.
La Banque mondiale considère par exemple que vous êtes en situation de pauvreté lorsque vous êtes en dessous du seuil d’un revenu mensuel de 1,90 dollar par jour. Or, la misère est loin d’être aussi monolithique qu’on pourrait le penser.

Dans le cadre des actions de présences locales d’ATD Quart Monde auprès des plus précaires (et certainement dans celui d’autres associations de terrain), de nombreuses personnes recevant un revenu au-dessus de ce seuil ont exprimé leur sentiment de vivre dans une situation de privation et d’exclusions portant atteinte à leur dignité et à l’obtention de leurs droits fondamentaux.
Ces témoignages nous montrent que la pauvreté semble bien plus complexe que son simple aspect monétaire, que ce soit en Belgique ou ailleurs.
Entre 2016 et 2019, ATD Quart Monde International, en collaboration avec des chercheurs et chercheuses de l’Université d’Oxford, a lancé une recherche pour mieux comprendre les dimensions de la pauvreté et ses enjeux. Cette étude se caractérise par son mode de recherche, à savoir faire réfléchir et débattre ensemble des travailleurs de terrain, des universitaires et des personnes en situation de pauvreté originaires de six pays aux réalités très différentes (Bangladesh, Bolivie, France, Tanzanie, Royaume-Uni et États-Unis).
Ces dimensions essentielles et fortement interdépendantes sont divisées en trois groupes. Le premier est constitué par les privations qui sont proches de la conception commune et économique de la pauvreté. Il s’agit du manque de travail décent, de l’insuffisance et de la précarité des revenus ainsi que des privations matérielles et sociales.
Le second groupe est constitué par les dimensions relationnelles, qui mettent en avant la manière dont les personnes en situation de pauvreté sont affectées par celles qui ne le sont pas : maltraitances sociales, maltraitances institutionnelles et contributions non reconnues. Enfin, le groupe cœur de l’expérience de la pauvreté rend compte de l’importance de la souffrance et de l’action des personnes dans la définition de la pauvreté : la dépossession du pouvoir d’agir ; la souffrance dans le corps, l’esprit et le cœur ; la lutte et la résistance.
Cette étude nous montre à quel point la pauvreté est complexe et combien nous avons besoin des personnes qui vivent dans la précarité pour comprendre au mieux ce que cela signifie. Cette connaissance est fondamentale pour combattre la pauvreté dans toutes ses dimensions aux côtés de ceux qui la vivent et (re) bâtir avec eux une société qui ne laisse personne de côté.