Fratrie et handicap
Les frères et sœurs à l’ombre du handicap
Najoua Batis
Chargée de projets – FratriHa
FratriHa c’est avant tout l’histoire de deux amies : Eléonore Cotman et Elise Petit. Elles ont un point commun qu’elles évoquent souvent : elles sont toutes les deux sœurs d’une personne en situation de handicap. Elles en parlent, partagent leurs vécus, leurs peurs, leurs angoisses mais aussi leurs joies et leurs bons moments. Une fois leur scolarité secondaire terminée, elles réalisent que ce qu’elles vivent, d’autres le vivent aussi, sans forcément avoir la possibilité d’en parler.
Ainsi démarre des groupes de paroles entre frères et sœurs, au sein de l’ASBL Inclusion à l’époque. Petit à petit, le projet grandit, se développe, touche de plus en plus de fratries. C’est ainsi que FratriHa devient une ASBL à part entière vers 2020.
Quelles sont les missions de FratriHa ?
FratriHa a trois missions principales :
Sensibiliser les parents et les professionnels sur le vécu des fratries par le biais d’ateliers et de formations, respectivement. Cette sensibilisation peut se faire dans nos locaux ou au sein d’une institution ou ASBL. Nous organisons également des conférences, des colloques ou des journées pour toucher un maximum de personnes sur la question des fratries.
Soutenir les fratries. Pour ce faire nous avons deux beaux outils : « Mon baluchon » et son petit frère « Mon petit baluchon ». Mon baluchon est un baluchon contenant deux livres pour parler du handicap et de la fratrie ainsi que des brochures sur la même thématique. Nous y ajoutons un coloriage grand format et des crayons de couleurs. « Mon baluchon » est adapté pour les fratries de six à dix ans. Comme nous avons reçu beaucoup de demandes pour les plus petits, nous avons lancé « Mon petit baluchon » destiné aux petits de trois à six ans. Le principe est le même, le sac contient deux livres, des brochures et un outil pour parler des émotions. En parallèle, nous proposons des ateliers ludiques animés par une psychologue et des ateliers théâtre animés par une comédienne. Le but étant d’offrir un espace de parole, d’échange et d’écoute aux fratries confrontées au handicap.
Informer les fratries et les familles autour des questions concernant le handicap en travaillant en partenariat avec le réseau. En effet, nous sommes situés dans la maison de l’aidance à Laeken et partageons les bureaux avec la Casa Clara, les Jeunes Aidants Proches, le Réseau SAM et sommes en lien étroit avec des professionnels ou des institutions du secteur. Cela nous permet de diffuser des informations tant aux parents qu’aux fratries.
Mais pourquoi s’intéresser autant aux fratries, elles ont l’air d’aller bien… ?!
Alors oui, souvent, les frères et sœurs de personnes en situation de handicap ont l’air d’aller bien. C’est le constat que font de nombreux parents qui sont les premiers à nous dire : mes enfants s’adorent, pourquoi mon fils/ma fille devrait venir à vos ateliers, ils s’entendent parfaitement !
Lorsque le handicap arrive dans une famille, c’est un véritable séisme qui s’abat sur la famille, dans un premier temps du moins. Cette annonce est souvent accompagnée d’une multitude de questions, d’incertitude, de déni, d’incompréhension, de culpabilité ou de sentiment d’injustice. Dans ce séisme qui touche les parents de plein fouet, on retrouve une fratrie qui, bien malgré elle, en est l’épicentre. Les frères et sœurs sont là, présents, observateurs silencieux d’un paysage de désolation. Les parents ne sont plus les mêmes, il y a les rendez-vous médicaux, il y a la tristesse, il y a du changement sans que la fratrie ne comprenne pourquoi. Sans qu’on lui explique, Sans qu’on mette des mots. Parfois parce qu’on les a « oubliés » dans cette tempête qu’ils ne maitrisent déjà pas eux-mêmes, puis de toute façon ils sont jeunes, ils s’habitueront… Mais souvent, on a voulu les préserver d’une réalité douloureuse, les protéger du séisme et de ses conséquences. Et le temps passe comme ça…
Tant bien que mal, la fratrie va s’adapter certes, s’habituer surement à cette nouvelle réalité. Les psychologues et chercheurs qui se sont penchés sur la question constatent qu’ils et elles se feront oublier, ne voudront pas causer plus de peine aux parents, se feront les plus discrets possible de sorte qu’ils apprendront à taire leurs émotions, leurs peurs, leurs angoisses, leurs questions auxquelles il n’existe pas de réponses toutes faites : Pourquoi mon frère et pas moi ? Est-ce que mes enfants seront aussi handicapés ? Et quand mes parents seront plus là, qui s’en occupera ? Est-ce que ma sœur va vivre longtemps ? Est-ce que mon frère va guérir un jour ? Ces questions apparaissent très tôt et ont peu d’espace où s’exprimer, voire aucun. C’est là qu’intervient FratriHa : Donner un espace d’expression, d’écoute et d’échange pour ces frères et sœurs. Mettre des mots sur les maux, mettre des mots sur les joies aussi car non, tout n’est pas noir tout comme tout n’est pas rose. C’est dans ces nuances de couleurs que s’inscrivent nos ateliers ludiques ou nos ateliers théâtre : s’exprimer et oser le faire, partager sans craintes de moqueries ou d’incompréhensions, écouter et être écouté, partager sans jugement.
Alors comment faire de la place aux frères et sœurs, quels sont leurs besoins ?
Tous les parents, mêmes sensibilisés à la question n’ont pas le temps ou la possibilité d’inscrire son enfant à nos ateliers. Ceci dit, il est possible de faire une place aux frères et sœurs de personnes en situation de handicap. Loin de nous l’idée d’être exhaustif, mais voici trois pistes concrètes.
Tout d’abord, ce qui nous revient dans les besoins des fratries, c’est l’information sur le handicap ou la maladie. De nombreux parents et des professionnels ne pensent pas à inclure les fratries dans l’information autour du handicap : c’est quoi comme handicap, comment ça évolue, quelles répercussions, etc. Il n’existe pas toujours des réponses à ces questions ou alors les réponses sont pleines d’incertitudes, il n’empêche qu’il vaut mieux partager un maximum d’informations que de laisser la fratrie s’imaginer des choses ou aller chercher sur internet. Tant les professionnels que les parents : donnez les informations (même partielles) autour du handicap aux frères et sœurs.
Ensuite, avoir du temps pour soi. En effet, la vie familiale tourne autour du handicap et c’est normal. La famille tout entière est prise dans ce tourbillon et la fratrie est oubliée puisque les frères et sœurs ne font pas le poids face à l’attention que requiert le handicap. Prévoir des moments avec le frère ou sœur est un moyen de répondre aux besoins des fratries. Un moment privilégié avec un des parents peut aider à donner le sentiment d’exister aussi en tant qu’enfant et non uniquement en tant que « frère ou sœur de ».
Enfin, avoir la possibilité de parler du handicap et des émotions qu’il suscite. Si les parents peuvent le faire, il y a des livres comme ceux que nous proposons pour parler du handicap et des émotions. Si les parents ne se sentent pas capables, et nous en rencontrons souvent, il y a des psychologues mais aussi d’autres professionnels qui gravitent autour de la famille et qui peuvent aussi prendre ce temps-là. On peut également trouver dans l’entourage, une tante, un oncle, un grand-parent, un ami ou une amie de la famille qui peut être un soutien pour parler du handicap.
Pour plus d’informations, consultez notre site www.fratriha.com, envoyez-nous un email à fratriha@fratriha.com ou encore appelez-nous au 0498/48.32.48