Participer aux politiques de santé

La fédération LUSS et son homologue néerlandophone, la Vlaams Patiëntenplatform (VPP), sont reconnus comme représentants officiels du point de vue des patients.

A ce titre, la LUSS relaie les constats faits par les patients vers les institutions, les administrations publiques et les autorités politiques en charge des questions de santé. Ces constats viennent principalement des associations de patients, par le biais de la concertation organisée par la LUSS. Un mécanisme de concertation-représentation qui permet une approche plus globale et citoyenne de la santé.

Concerter & Représenter

Un travail de terrain pour faire remonter les besoins des patients dans les débats publics

La LUSS organise une concertation permanente avec les associations de patients pour mieux connaître le vécu des patients, mieux comprendre leurs besoins et leurs difficultés et pour pouvoir ensuite les représenter auprès des décideurs politiques. Quel que soit le sujet concerné, la LUSS défend toujours l’accès à des soins et des services de qualité pour tous.
La LUSS développe différentes formes de concertation et privilégie une approche collective, de façon à s’adapter continuellement aux besoins des associations. Groupes de travail, focus groupes, réunions préparatoires, questionnaires, rencontres individuelles… Les méthodes développées par la LUSS varient au cas par cas.

Lieux de représentation

La LUSS est reconnue par les pouvoirs publics comme le représentant officiel des usagers des services de santé.

Elle occupe à cet égard, et conjointement avec les associations de patients, près de 40 mandats pour porter le point de vue des patients.

La LUSS représente et défend le point de vue des patients dans de nombreuses instances et à tous les niveaux de pouvoir concernés par la santé (fédéral, régional, communautaire et local). Elle est présente dans de nombreuses instances comme l’INAMI, l’Observatoire des Maladies Chroniques, l’Agence fédérale des Médicaments, l’Observatoire Wallon de la Santé ou encore la PAQS (Plateforme pour l’Amélioration continue de la Qualité des soins et de la Sécurité des patients).

Action politique

L’action politique est au cœur de la démarche de représentation-concertation de la LUSS. En tant qu’intermédiaire entre les politiques et les usagers, la LUSS est amenée à répondre aux demandes formulées par les politiques sur les besoins des patients, et donc à concerter les patients pour représenter ensuite leurs points de vue.

Mais la LUSS interpelle également les politiques afin de mettre à l’agenda certaines problématiques, essentielles pour les patients mais pas suffisamment défendues par le politique. Le politique est ainsi sollicité par la LUSS par différents mécanismes et à différents niveaux.

Prise de position

La LUSS ne se contente pas de répondre aux politiques, elle prend position et interpelle les politiques pour défendre les besoins des patients. Courriers, rendez-vous en cabinets ministériels, questions parlementaires,… sont des exemples de mécanismes d’interpellation fréquemment utilisés à la LUSS, récemment utilisés par exemple pour faire réagir le politique sur les questions relatives à l’incapacité de travail et aux assurances.

Lire et télécharger le document

La veille politique

La LUSS assure un suivi régulier de l’actualité en matière de santé, au travers d’un dépouillement de la presse et du web, pour être toujours informée de ce qui se mijote dans la sphère politique. Cette veille est aussi essentielle pour nouer des contacts politiques de façon pertinente, en fonction des dossiers traités par les parlementaires.

Notre revue trimestrielle, « La LUSS a lu pour vous », propose l’essentiel de l’actualité santé. Vous y trouverez une information contextualisée et critique en parallèle des articles de presse, questions parlementaires et autres communiqués.

Actions communes

La LUSS s’associe à d’autres acteurs santé et à d’autres associations pour donner plus de poids à la voix des patients. Cela a été le cas, par exemple, pour faire voter la loi Partyka-Lalieux relative à l’assurance solde restant dû, pour laquelle la LUSS s’est associée à la VPP, au CRIOC et à Test-Achats. Plus récemment, la LUSS s’est associée à la pétition initiée par Test-Achats pour protester contre les médicaments trop chers.

Ce qui se passe aux Parlements

La LUSS suit de près les travaux parlementaires, tant au niveau du Parlement fédéral que dans les Parlements régionaux et communautaires.

Ce suivi porte notamment sur les questions parlementaires posées lors de Commissions santé (ou affaires sociales) ou en séance plénière. La LUSS analyse ces questions parlementaires et les réponses qui y sont données afin d’identifier les problèmes qui n’ont pas fait l’objet d’une question ou d’une réponse.

A partir de témoignages qu’elle reçoit, la LUSS peut aussi interpeller les parlementaires et les Ministres sur des problématiques plus globales, qui nécessitent un suivi. Ces rencontres permettent de mettre en perspective les positions politiques de la LUSS et celles défendues par les partis politiques eux-mêmes.

École et douleur chronique : une relation difficile

Quelle inclusion scolaire pour les élèves en situation de douleur chronique ?

Thierry Joiris
Neuropsychologue spécialisé en algologie
Coordinateur Centre Interdisciplinaire DOME

Dans nos écoles, l’inclusion des élèves reste un enjeu fondamental. S’il est plus aisé de penser l’inclusion dans certains cas comme les troubles spécifiques des apprentissages, l’exercice devient tout de suite plus difficile lorsqu’il faut envisager l’inclusion des élèves avec douleurs chroniques.
Pourtant, les douleurs chroniques chez les enfants/adolescents scolarisés sont fréquentes. Il peut s’agir de douleurs chroniques persistantes, répétées ou récidivantes (céphalées, migraines, syndrome douloureux régional complexe…), de douleurs chroniques dites fonctionnelles ou de douleurs chroniques s’inscrivant dans le cadre d’une pathologie chronique.
Un autre constat : les douleurs chroniques prédisent une moins bonne réussite scolaire.
Enfin, certains élèves ont une relation plus complexe à la douleur et à son expression.
Ils demanderont donc une approche plus spécifique. C’est le cas des enfants avec trouble du spectre autistique (TSA).
La douleur chronique est un handicap invisible. Il n’est donc pas simple pour des équipes pédagogiques au sein des écoles d’appréhender cet accompagnement de l’élève douloureux chronique. Elles ne sont ni sensibilisées ni formées.

Reconnaître la douleur chronique de l’enfant : un besoin urgent de sensibilisation
L’IASP (International Association for the Study of Pain) estime que l’enfant fait partie des patients dits « vulnérables » en matière d’évaluation et de traitement de la douleur. Sa douleur reste sous-évaluée et sous-traitée.
Sur le terrain, la banalisation alterne toujours entre deux positions antagonistes. Soit c’est tout psychologique (« c’est du stress »). Soit c’est tout somatique (« douleurs de croissance »). Dans les deux cas, elles conduiront à une impasse thérapeutique et à une non-écoute de l’enfant en souffrance.
L’enfant, quels que soient son âge, son handicap ou ses capacités de communication verbale perçoit bien la douleur. Il est important de le rappeler car à une époque on a pu en douter. Cette douleur doit être évaluée et traitée correctement.
Cette remarque concerne TOUS les enfants.
Les enfants en situation de handicap moteur ou avec des troubles de la communication verbale demandent d’autres stratégies d’évaluation de la douleur avec des outils adaptés.

Des conséquences multiples en cascade
Toute situation de douleur chronique va impacter de manière multiple la scolarité et l’enfant lui-même :

  • absentéisme scolaire ou décrochage scolaire ;
  • décompensation de l’état psychologique (trouble dépressif, anxiété) ;
  • décompensation physique (majoration de la douleur) ;
  • stigmatisation/harcèlement/rejet ;
  • difficultés d’apprentissage/échec scolaire avec à l’avant plan des troubles de la concentration.

Ces éléments vont aggraver l’expérience douloureuse. On entre ainsi dans un cercle vicieux.
Certains élèves seront malheureusement victimes d’une double peine. Il existe en effet une différence entre un enfant présentant des migraines ou un enfant expérimentant la douleur chronique dans le cadre d’une pathologie chronique avec tout ce que cela implique (complications autres que la douleur, prise en charge médicale/paramédicale lourde ou fréquente, inquiétudes sur l’évolution, stigmates/rejet en lien avec la pathologie chronique, visibilité des symptômes…).

Pourquoi la concentration de l’élève douloureux chronique est-elle difficile ?
Pour plusieurs raisons :

  • La douleur chronique elle-même. Cette douleur est « un stimulus perceptuel exigeant de l’attention21 » Lorsque l’élève a mal, la douleur mobilise une partie de ses ressources attentionnelles, de sa concentration. Il dispose donc de moins de ressources pour se concentrer sur les apprentissages et les tâches scolaires ;
  • Les traitements antalgiques médicamenteux et leurs possibles effets sur la vigilance ;
  • L’hypervigilance au corps et aux sensations corporelles nécessaires pour anticiper toute blessure éventuelle. L’élève est donc distrait ;
  • La kinésiophobie. Il s’agit de la peur du mouvement et de la réapparition de la douleur ou de la blessure ;
  • La fatigue ;
  • La comorbidité avec des troubles spécifiques des apprentissages (TDA/H, dyslexie….) ou un double diagnostic (NDLR : voir p 20).

L’élève avec douleur chronique est-il un élève à besoins spécifiques ?
La réponse est oui. L’élève avec pathologie chronique ou douleur chronique cumule des difficultés qui entraînent un handicap invisible. Cette situation fait de lui un élève à besoins spécifiques.
Il doit donc bénéficier d’aménagements raisonnables et peut exiger une pédagogie différenciée.

Quelle vision de l’inclusion scolaire de l’élève avec douleur chronique ?
L’inclusion scolaire doit s’inscrire dans une approche biopsychosociale, nécessitant à la fois la sensibilisation à la douleur chronique des acteurs de l’éducation, un travail en réseau et une collaboration active avec un réseau de soins.

Une démarche en trois étapes pour des aménagements raisonnables
Dans le cadre de notre pratique, nous avons opté pour cette démarche.
Première étape : identification des difficultés et des besoins spécifiques
Avant toute mise en place d’aménagements raisonnables pour pathologie chronique/douleur chronique au sein de l’école, il est nécessaire de commencer par l’évaluation des difficultés et des besoins spécifiques de l’élève. Cette appréciation se fait en collaboration avec l’élève lors d’entretiens individuels. Ceux-ci ont pour objectifs :

  • de l’informer de ses droits et du cadre légal en lien avec son statut d’élève à besoins spécifiques
  • de savoir si l’élève est demandeur d’aménagements raisonnables
  • d’obtenir son accord à la mise en place des aménagements raisonnables et aux contacts avec l’école qu’elle va impliquer
  • d’identifier les informations à communiquer à l’école. Que pouvons-nous dire ? À qui pouvons-nous le dire ?
  • de répertorier ce qui est déjà mis en place et d’évaluer si c’est pertinent par rapport à la pathologie ou à la douleur chronique
  • d’aborder et de permettre de verbaliser les éventuelles répercussions psychoaffectives
  • d’identifier et de désamorcer les situations d’urgence (rejet, harcèlement scolaire, moqueries/insultes, obligation à réaliser certaines activités physiques/sportives…)

Faire participer l’élève dès la première étape permet de renforcer son sentiment d’efficacité personnelle. Face à une pathologie chronique/douleur chronique qu’il va devoir apprendre à gérer c’est fondamental.

Deuxième étape : formalisation des aménagements raisonnables au moyen d’un outil spécifique
Des aménagements raisonnables sont ensuite proposés. Ceux-ci sont retranscrits dans un document particulier : la Fiche ARPEDI pathologie chronique © Centre DOME.
ARPEDI signifie Aménagements Raisonnables et Pédagogie Différenciée.
Cette fiche répond à un double objectif : sensibiliser à la pathologie/la douleur chronique et proposer des aménagements raisonnables faciles à mettre en place.

Elle permet une sensibilisation à la douleur chronique de façon transversale. La partie « difficultés en lien avec la pathologie » permet d’expliquer le vécu de la douleur chronique par l’élève au travers d’exemples précis décrivant l’impact de la douleur sur les tâches scolaires.
Particulièrement pour l’adolescent, il faut toujours vérifier le degré d’acceptabilité des aménagements raisonnables visibles au sein de la classe.
Chez l’adolescent on peut être confronté au paradoxe suivant : la volonté qu’un handicap invisible reste invisible.

Troisième étape : attestation EBS et coordination scolaire
La Fiche ARPEDI pathologie chronique © Centre DOME est complétée par une attestation validant le statut d’élève à besoins spécifiques. Il s’agit ici de rappeler que l’élève répond aux critères du décret.
Une coordination est ensuite directement assurée avec l’école. La Fiche ARPEDI pathologie chronique © Centre DOME restera le document de liaison. Cette coordination se fait tout au long de l’année en collaboration avec les enseignants, les intervenants du CPMS ou du service inclusion, les directions d’école.
Cette étape peut se voir complétée par des supports de sensibilisation qui vont venir compléter la Fiche ARPEDI pathologie chronique © Centre DOME. Par exemple, la bande dessinée proposée par le GESED ASBL pour nos enfants/adolescents avec syndrome d’Ehlers-Danlos (SED).
Elle peut également se voir complétée par un certificat médical ouvert. Celui-ci permet d’excuser les éventuelles absences consécutives à des moments où l’élève présente des épisodes de décompensation de sa douleur chronique.
Cela évite également l’épuisement de la famille en lui évitant à chaque absence de consulter le médecin traitant pour obtenir un certificat afin que l’élève n’ait pas une absence non justifiée. Une seule difficulté toutefois : l’acceptation de ce certificat médical ouvert est laissée à l’appréciation des directions d’écoles. Certaines le refusent.

Une nécessaire approche en réseau
La sensibilisation à la douleur chronique des élèves est affaire de tous. Elle doit donc se concevoir dans le cadre d’une approche en réseau. La collaboration doit se faire avec écoles/CPMS, services inclusion dans l’enseignement supérieur, pôles territoriaux, associations de patients et le réseau de soins médical et paramédical.
Des initiatives intéressantes existent qui peuvent participer de cette approche en réseau. C’est le cas de ClassContact qui connecte gratuitement l’enfant malade ou hospitalisé à sa classe.

Quels investissements pour demain ?
Pour poursuivre l’amélioration de l’inclusion scolaire des élèves avec douleur chronique, notre investissement se portera sur deux projets actuellement en réflexion. D’une part, l’organisation d’une journée de formation autour de la scolarité et des douleurs chroniques de l’enfant et de l’adolescent, formation à destination du monde enseignant. D’autre part, la réalisation d’un support de sensibilisation à la douleur chronique dans le cadre scolaire. En effet, à ce jour, un tel support n’existe pas.

Contacts

Centre Interdisciplinaire DOME
Rue du Château Massart 25
4000 Liège
04 234 79 21
info@consultationdome.be
www.centredome.be

Accessibilité, inclusion et démocratie

Sur base d’une interview avec Philippe Harmegnies
Directeur – Fondateur de Passe-Muraille

Quand on vous dit « accessibilité », à quoi pensez-vous ? Probablement à une rampe d’accès devant un bâtiment, empruntée par une personne en chaise roulante ? L’image d’Épinal, bien que (partiellement) exacte, est très réductrice, voire dommageable pour les personnes en situation de handicap. On vous explique pourquoi.
En Belgique, 1 400 000 habitants sont des « personnes en situation de handicap ». 80 %, soit l’immense majorité, des handicaps surviennent au cours de la vie, à la suite d’un accident ou d’une maladie invalidante, par exemple. Nous sommes tous susceptibles, un jour, d’être concernés par le handicap, que ce soit pour nous ou pour un proche.
Ce qui rend handicapé, c’est la situation environnementale dans laquelle une personne se trouve. Si la situation environnementale est adaptée, il n’y a plus de handicap puisque la personne peut faire « comme tout le monde ».
Si l’accessibilité est subie, on adapte, ou on s’adapte, aux besoins d’un utilisateur identifié comme « inadapté » à un fonctionnement « standard ». On modifie l’existant, on s’impose des contraintes pour simplifier la vie d’une minorité de personnes qui « souffrent » d’un handicap.
On « défigure » un bâtiment pour y installer une rampe d’accès, on délaisse un bâtiment historique plein de charme mais « impossible à mettre aux normes ». Bien que la majorité des handicaps soient invisibles, la perception négative de la personne handicapée, pour laquelle il « faut consentir » à des adaptations, ne repose finalement que sur une minorité de handicaps visibles.
Cette vision de l’accessibilité et de l’inclusion fait porter aux seuls usagers en situation de handicap le poids d’un projet qui a tout simplement été mal conçu dès le départ.

C’est quoi une « mobilité réduite » ?
Typiquement, on le disait, la représentation de la « mobilité réduite » porte sur des personnes en chaise roulante. Or ces usagers ne représentent qu’une minorité des personnes qui bénéficieront des installations d’accessibilité ! En effet, 60 % des « personnes à mobilité réduite » sont des seniors, 25 % sont des familles (avec poussette par exemple). Soit 85 % environ des usagers qui bénéficieront des installations « d’accessibilité » et qui ne sont pourtant pas concernés par le handicap moteur.
Les 15 % restants sont constitués à hauteur de 10 % par les personnes handicapées (tous handicaps confondus) et les 5 % restants sont des travailleurs : brancardiers, livreurs… Prenons l’exemple de la rénovation d’un centre culturel ; ce sont les plaintes des régisseurs son et lumière, qui peinaient à déplacer leur matériel lourd et encombrant, qui ont fait comprendre à l’architecte l’importance du travail sur l’accessibilité du lieu.

La personne handicapée, cette inconnue
Parmi les activités organisées par Passe-Muraille, plusieurs ont pour objectif de « démystifier » les personnes en situation de handicap. On l’a dit plus haut, les représentations ont la vie dure, que ce soit sur le handicap, la personne qui le porte ou même la manière dont les personnes valides peuvent l’assister. Il y a quelque chose d’ironique à se dire qu’à l’aube de la deuxième moitié du XXIe siècle, une société aussi « évoluée » que la nôtre en soit encore à « démystifier » le handicap et à philosopher sur l’opportunité de l’inclusion d’une catégorie de citoyens à leur propre société, mais passons.
Parmi les activités de Passe-Muraille, donc, il y a notamment des « ateliers miroir ». Des personnes valides sont soumises à une simulation de handicap, et doivent tester en conditions réelles l’accessibilité de leur service (utilisation des transports en commun, trajet vers et dans un hôpital…). Cette « démystification » a pour objectif de faire prendre conscience du « pourquoi » d’une démarche d’accessibilité, de ce qui vient avant et après, et des raisons pour lesquelles les consignes sont données dans un sens plutôt que dans l’autre.
La démystification facilite également le contact chez des personnes qui voudraient aider, mais n’osent pas par peur de commettre une maladresse. La relation s’engendre alors autour de la rencontre d’une « envie de bien faire » et les besoins réels de l’autre, les représentations s’évanouissent et la magie de la rencontre opère. Souvent durablement.

Penser « accessibilité » avant, pendant et après
Pour « bien faire », l’accessibilité doit être un prérequis dès les premières étapes de la réflexion autour d’un projet. C’est à cette seule condition qu’un projet sera vraiment accessible, et pas une variante, une « v2 » rendue accessible à force d’interventions et d’ajouts postérieurs plus ou moins réussis.
C’est particulièrement sensible en matière d’architecture, mais ça l’est tout autant en matière de développement informatique, pour ne citer que ces deux secteurs.
La volonté politique est ici prépondérante, notamment en matière de marchés publics. L’accessibilité doit y être directement reprise dans le cahier des charges ; elle doit devenir un prérequis pour tout développement demandé par les pouvoirs publics. Et ce n’est pas (que) Passe-Muraille qui le dit, c’est aussi la Commission européenne, puisque des directives sont déjà, et seront bientôt, en vigueur en matière d’accessibilité (NDLR : voir Le Chaînon 67, juin 2024).
Mais l’important, en matière d’accessibilité, ce n’est pas tant de cocher des cases « pour la beauté du geste », de respecter des critères binaires (atteint/pas atteint), que de comprendre le sens de ce qui est demandé. Si on ne comprend pas le sens de ce qu’on fait, généralement on fait n’importe quoi.
Et c’est d’ailleurs à cet égard que le savoir-faire doit être accompagné d’un faire savoir : si les équipes évoluent, les nouveaux arrivants doivent être informés des objectifs et des raisons pour lesquelles une démarche d’accessibilité a été amorcée, et des modalités de son application.
Par exemple, si plus personne ne sait que telle porte, dans le bâtiment, est une sortie de secours, elle peut être encombrée par du mobilier, ce qui la rend inefficace et inutile. Idem si les installations ne sont pas entretenues adéquatement, etc.
Une nécessité pour la démocratie
Bouclons la boucle avec le début de cet article, les représentations négatives, la « démystification » de situations de vie qui existent depuis que le monde est monde, et une perspective pas franchement réjouissante pour la démocratie et la place réservée aux personnes en situation de handicap, quel qu’il soit. La montée des extrêmes, partout en Europe, fait craindre le pire. Quelle place la solidarité et l’inclusion ont-elles encore dans des régimes d’extrême (gauche ou droite, d’ailleurs) ?
Parce qu’il faut à un moment conclure un article qui aurait pu tenir sur dix pages, sachez que chez Passe-Muraille, on ne communique (volontairement) pas le 3 décembre, qui est la journée internationale des personnes handicapées. On communique une semaine plus tard, le 10 décembre, qui est la journée internationale des droits humains. Parce que, faut-il le rappeler (manifestement oui), les personnes handicapées sont aussi des humains.

Les Conseils d’Usagers dans le secteur du handicap

Thierry Monin
Chargé de projets à la LUSS

Les institutions qui assurent l’accueil et/ou l’hébergement de personnes en situation de handicap, que ce soit en Wallonie ou à Bruxelles, ont en principe une obligation de créer en leur sein un Conseil des Usagers. Cette obligation fait partie des normes d’agrément.
Ce conseil, composé d’usagers ou de leurs représentants légaux, a pour mission de formuler toute suggestion relative à la qualité de vie et à l’organisation pratique de l’accueil ou de l’hébergement des usagers. Le service met en place des modalités de participation adaptées aux caractéristiques des usagers (législation wallonne).
L’objectif est d’impliquer les usagers et leurs familles dans la vie de l’institution et de favoriser une certaine forme de démocratie participative.
Généralement, c’est un membre du personnel qui assure l’animation et le secrétariat des réunions.
Il rédige également les procès-verbaux.
La réglementation donne un cadre assez large et dit assez peu de choses. Cela donne une certaine latitude aux institutions d’adapter l’organisation des réunions au profil des résidents.
En Wallonie, les résidents qui ne sont pas en mesure de s’exprimer par eux-mêmes peuvent être suppléés par leurs représentants légaux (en principe l’administrateur de la personne souvent un membre de la famille mais cela peut aussi être un avocat).
La participation n’a de sens que dans la mesure où elle permet aux résidents de s’exprimer en fonction de leurs capacités, de leur motivation. Les représentants légaux ne peuvent pas être ceux qui ont tout à dire. Être totalement respectueux de la volonté et de la parole des résidents n’est certainement pas chose aisée. La communication, qu’elle soit verbale ou non verbale, peut aider à mieux identifier les besoins/attentes des résidents, en fonction de leur profil, capacités.
Ceci demande aussi de la part de l’institution de la créativité, de la souplesse, une communication adaptée dans la méthode d’animation et de tenir compte des difficultés particulières des résidents.
Au niveau des pouvoirs subsidiants, il serait utile et pertinent de procéder à une évaluation du fonctionnement de ces conseils de résidents, du nombre d’institutions qui en ont mis en place, de leurs difficultés dans la mise en place et l’animation de ces conseils. Il s’agit ainsi de vérifier si ce dispositif s’ancre bien dans une dynamique participative et d’apporter des réponses aux difficultés identifiées (par l’élaboration d’outils spécifiques, par des moyens spécifiquement dédiés à ces conseils).
Il faut regretter le peu d’informations, hormis les dispositions légales ou administratives, concernant ce dispositif participatif tant au niveau wallon que bruxellois. Il ne suffit en effet pas que ce type de conseil soit prévu dans les normes pour que cela se traduise automatiquement sur le terrain. Il est donc important que les administrations compétentes viennent en soutien aux institutions et les accompagnent dans la mise en place de ces conseils.

Interview : Maison d’Accueil Familial le Boistissandeau, un projet unique en son genre

Lors de chaque édition du TEFF (The Extraordinary Film Festival), la LUSS parraine une séance suivie d’un débat. Ce festival unique en Belgique propose au grand public, aux professionnels et aux personnes concernées une réflexion sur l’image de la personne en situation de handicap, dans ses capacités, bien loin des clichés usuels.
En 2023, la séance ciné-débat avait été organisée autour du film Mon enfant après moi (voir Le Chaînon n°64, septembre 2023). Ce documentaire réalisé par Martin Blanchard aborde une question sensible autant que douloureuse : qu’adviendra-t-il, à mon décès, de mon enfant porteur de handicap ?
Le film a été entièrement tourné dans la Maison d’Accueil Familial le Boistissandeau. Ce château de la commune des Herbiers, en Vendée, est un lieu d’accueil unique en son genre, créé et géré par l’association Handi-Espoir. Le parent et son enfant (parfois d’âge adulte !) porteur de handicap y entrent et y séjournent ensemble jusqu’au décès de l’un ou l’autre. L’enfant s’intègre ainsi progressivement à la communauté, ce qui adoucit la transition vers une vie sans son parent. Ce qui ne se fait pas toujours sans heurt…
Voici l’interview du directeur de l’établissement, Nicolas Marichal.

Quelle est l’histoire du Boistissandeau ? Qui est à l’origine du projet ?

Vers le milieu des années 1990, la famille de Guillaume, jeune adulte en situation de handicap moteur, ne trouvait pas d’établissement adapté à proximité. Cette famille, avec d’autres, a fondé l’association Handi-Espoir, pour imaginer l’accueil des enfants porteurs de handicap devenus adultes. Avec le soutien du Département de Vendée, un premier établissement a été ouvert à Coëx. D’autres établissements ont suivi, les services ont évolué (d’accueil de jour à service d’accompagnement à domicile…) et chaque nouveau projet a participé à la construction de l’idée qui deviendra, en 2007, le Boistissandeau.
Le Département de Vendée possédait le Château du Boistissandeau, qui n’était à l’époque pas affecté mais qui devait l’être pour un projet cultuel ou social. Ce sera la Maison d’Accueil Familial.
Il y avait évidemment peu de littérature sur le sujet ! Tout était à inventer, à commencer par la structure administrative et financière du projet. L’accueil des aînés et celui des personnes en situation de handicap sont des structures et des budgets indépendants dans le Code de l’action sociale et des familles, et aucun projet ne mêlait les deux. Le casse-tête de l’équilibre budgétaire continue d’évoluer avec le temps, puisqu’au gré des entrées et des décès, la répartition et l’équilibre entre le nombre de personnes âgées et de personnes en situation de handicap fluctue.
Trente ans après sa création, l’association Handi-Espoir accompagne, d’une manière ou d’une autre, environ trois cents personnes, et occupe entre cent-cinquante et cent-quatre-vingt salariés, sur tous ses sites.

Comment se fait-il qu’aucun autre établissement comme le Boistissandeau n’existe ?

Le film Mon enfant après moi a mis le Boistissandeau dans la lumière ! Les sollicitations ne manquent pas, venant de familles ou d’associations qui souhaitent créer des projets de même inspiration ; nous avons même reçu une association autrichienne ! Rien au niveau de l’État ou des départements français, pour autant. La difficulté liée au montage financier n’aide probablement pas. Il faudrait une volonté politique pour intégrer cet « entre-deux » au Code de l’action sociale et des familles.
Du reste, dans l’esprit de Handi Espoir, l’idée n’est pas de multiplier ce type de structures résidentielles. Dans un monde idéal, les mentalités et les cultures évoluent, les personnes en situation de handicap sont plus largement intégrées à la société, sociabilisées dès l’école, et les options sont plus nombreuses. Autant que possible, nous aimerions privilégier l’accompagnement à domicile, promouvoir les droits et capacités à faire pour soi-même, l’autodétermination, le droit commun par l’habitat inclusif, et la promotion de la citoyenneté de la personne.
L’idée du Boistissandeau n’est pas de garder toutes les personnes en établissement le plus longtemps possible ! Certains enfants du Boistissandeau ont trente ans lorsque leur parent décède, et ils n’ont pas nécessairement envie de vivre entourés de personnes âgées.
De plus, le Boistissandeau est relativement isolé par rapport à « la ville », la culture, les transports… tout cela ne facilite pas leur inclusion à la société.
C’est d’ailleurs un travail très important qui est réalisé au Boistissandeau : préparer l’enfant à la séparation d’avec son parent… et préparer le parent à l’idée que son enfant puisse vivre, et même peut-être bien vivre, sans lui !

Justement, au point de vue humain, comment cela se passe-t-il ?

La Vendée est un territoire dans lequel les valeurs judéo-chrétiennes sont fortement ancrées. Un enfant porteur de handicap peut être vécu comme une croix à porter, une vie de sacrifice consenti pour la famille. Dans les familles qui vivent le handicap, le binôme parent-enfant présente parfois un lien exclusif, assez fermé. Le handicap a pu être source de rupture professionnelle, familiale, de couple, avec le voisinage… l’habitude du collectif s’est perdue.
Dans la cellule parent-enfant, le parent peut être omniprésent, omniscient, omnipotent et autocentré sur l’enfant. Comment l’enfant peut-il exprimer son individualité face à un parent qui a pris l’habitude de penser à sa place et d’avoir un avis sur tout ?
La première étape est donc d’ouvrir ce lien exclusif. Encourager les contacts avec les autres résidents, créer le collectif au départ d’une collection d’individualités et faire accepter l’idée que l’enfant soit pris en charge par « d’autres », en l’occurrence le personnel. Le transfert de responsabilité vers les professionnels n’est pas simple à négocier. C’est le savoir-faire d’une vie que le parent « transmet », « confie ». Cela peut occasionner un sentiment de jalousie chez le parent qui voit son enfant « exister sans lui », voire de trahison lorsqu’un des salariés décide de changer d’employeur. Nous avons d’ailleurs dû abandonner l’idée d’attribuer des « référents » aux résidents.
Mais à l’usage, les parents voient les enfants s’épanouir, se révéler, prendre leur place et se créer une identité propre. Dans la majorité des cas, c’est une révélation positive, les désirs s’expriment et la personne « naît ». Le choc est parfois abrupt pour les parents lorsqu’ils constatent que leur enfant « s’en sort » sans eux. C’est parfois une vie entière de sacrifices qui est remise en question.
À l’avenir, le rêve serait que le Boistissandeau n’ait plus de lieu d’être parce que la société permettrait l’inclusion de la personne en situation de handicap de manière beaucoup plus élargie. L’association se focaliserait sur l’accompagnement à domicile. Mais cela implique, outre une évolution des mentalités à l’échelle de la société, une réflexion beaucoup plus précoce sur le projet de vie de la personne. Encore trop souvent, la question de l’après-parent ne se pose que lorsque le parent âgé est déjà à la limite de la dépendance. Le projet de vie doit se construire le plus tôt possible.

L’après-parent : Madras ASBL

Un service d’accompagnement pas comme les autres

Laurie Celi
Assistante sociale – Madras ASBL

Ce service est né de l’imagination des familles de personnes en situation de handicap intellectuel dans les années 1970. Au contact les unes des autres, au sein de l’association de parents Inclusion, les familles ont échangé leurs inquiétudes quant à l’avenir de leur enfant. « Que deviendra-t-il quand je ne serai plus là ? ».
De manière informelle, ces familles se sont soutenues en promettant de garder un œil les unes sur les autres.
En parallèle, Inclusion développe son service social destiné aux familles confrontées au handicap mental. Cette équipe sociale, au contact du terrain, s’est rapidement aperçue qu’au-delà de dégager des pistes pour « maintenant », nombreux sont ceux qui s’interrogent pour « plus tard ».
Au sein du service social Inclusion nait, petit à petit, Madras, un service qui accompagne les familles dans la construction de « l’après-parent ».
En 1996, le service est reconnu « projet d’initiative spécifique » par l’AVIQ – Branche Handicap (AWIPH à l’époque). Puis comme service d’accompagnement en 2001.
Depuis lors, Madras accompagne des centaines de familles dans l’élaboration d’un projet de vie de qualité pour la personne en situation de handicap et dans la pérennisation de ce projet.

Comment ?
Le centre de référence est disponible aux personnes et à leur réseau (proches ou professionnels) pour toute question « après-parent » (via un entretien, un contact téléphonique ou par courriel).
L’équipe peut également organiser une intervention de sensibilisation collective à la demande d’un service.
Madras a créé un guide permettant aux familles de cheminer elles-mêmes sur les questions d’avenir : « Tissons un avenir de qualité ».
Un second guide à destination des professionnels a été créé ensuite pour répondre à la demande du terrain. Ce dernier propose des pistes pour aborder des sujets en lien avec « l’après-parent », parfois délicats, avec la personne, avec sa famille et aussi entre collègues.
Le service d’accompagnement à mission spécifique « après-parent » élabore un projet d’accompagnement individualisé avec pour objectifs :
d’aborder ensemble toutes les thématiques qui composent la vie : les activités, le travail, les loisirs, les déplacements, l’hygiène, l’alimentation, la santé, le lieu de vie, les moyens financiers, la protection juridique, le réseau, etc.
d’anticiper l’inéluctable : le vieillissement, la fin de vie, la mort, la succession, etc.
de mener une vigilance active quant à la qualité de vie de la personne. Madras s’intègre au réseau, le soutient et collabore avec celui-ci.

Qu’est-ce que l’après-parent ?
D’abord, nous entendons le mot « parent » au sens très large. Il ne s’agit pas seulement du père et de la mère. Il s’agit de tout l’entourage proche, des frères et sœurs, de cousin(e)s, de tantes ou d’oncles, d’amis, de voisins, etc.
Pour nous, les « parents » sont les proches qui s’inquiètent du sort qui est réservé à la personne et qui souhaitent faire quelque chose (même de petites choses) pour améliorer son quotidien.
Quant à la question de l’après… cela nous amène déjà à des réflexions existentielles…
Il s’agit pour la personne de s’interroger (si elle le peut) sur les personnes ressources vers lesquelles se tourner en cas de besoin si ses proches ne sont plus de ce monde (ou plus en capacité).
Il s’agit pour les proches de se demander ce qu’ils peuvent organiser maintenant pour que cela perdure et aussi de trouver un réseau à qui passer le relais quand ils ne pourront plus assurer leur fonction d’aidant proche.
Nous accompagnons les personnes et leur entourage dans un exercice de projection. Le but de l’action de Madras est d’anticiper un maximum d’éléments qui composent une vie, en se posant toujours la question « et après ? ».
Les activités de mon enfant lui conviennent à l’heure actuelle mais un jour il vieillira et il faudra peut-être diminuer ou arrêter ces activités ? Quelle prise en charge à ce moment-là ?
Son lieu de vie est adapté maintenant mais s’il ne l’était plus où irait-il ?
Il perçoit des revenus actuellement mais comment cela se passe à l’âge de la pension ?
Je suis désignée administrateur de mon enfant, et après moi, qui sera désigné ?
Dois-je rédiger un testament ? Et lui, a-t-il droit d’en rédiger un ?
Mon enfant n’est pas en mesure d’exercer ses droits du patient, dois-je prendre des décisions anticipées en termes de santé pour lui ?
Que faire pour que nos dernières volontés soient respectées ?
Sans avoir de réponse toute faite, Madras est un interlocuteur avec lequel soulever toutes ces questions et tenter, ensemble, d’y trouver une réponse adaptée à chaque situation.
Ensemble nous tentons de tisser un avenir de qualité…

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